Rap français : Comment exister dans un marché saturé ?

Avec la mort programmée du physique aujourd’hui minoritaire par rapport aux ventes virtuelles d’albums, le succès commercial d’un album de rap se joue désormais sur le web. C’est dans le maintien de l’intérêt des internautes qui engendre celui des médias, avant et après la sortie d’un projet, que se trouve la clé du succès. Le point sur toutes les nouvelles techniques utilisées par les rappeurs, en major ou indépendant, pour exister dans un marché saturé.

Booba, un habitué de la chaine cryptée

Booba, un habitué de la chaine cryptée

« Disque d’or en indé’, premier à le faire. » Voilà comment Booba évoque son premier album solo « Temps Mort » dans l’une de ses chansons. Un disque d’or, certifié à l’époque par 100 000 ventes. En 2002, avant l’entrée en scène du Net, cela signifie autant de CD écoulés. Le tout sans maison de disques, sans promo, sans distributeur. C’est le bouche à oreille qui permet un tel record et lance définitivement la carrière du plus gros vendeur du rap français. Aujourd’hui cette période paraît bien lointaine, le D.U.C, comme il s’est auto-proclamé, vient de sortir son 7ème album solo du même nom. Pourtant, au niveau du succès commercial rien ne semble avoir changé. L’album était déjà disque d’or en précommande sur ITunes, aujourd’hui validé par 50 000 ventes. Et malgré les fuites récurrentes sur la Toile avant la sortie et le partage de l’intégralité des chansons de l’opus sur Youtube (sans cesse repostées après suppression), D.U.C, disponible dans tous les points de ventes depuis deux jours, semble parti pour faire un carton, en physique également.

La maîtrise des outils médiatiques

Mais depuis « Temps morts », la montée en puissance d’Internet a rebattu les cartes. Booba a réussi intelligemment sa mue du point de vue marketing et commercial. Omniprésent sur les réseaux sociaux par des posts quotidiens, il culmine ainsi sur Twitter (à 2 millions de followers), sur Instagram (à 419 milles abonnés), et sur Facebook (à près de 4 millions de likes). Une solide chaîne Youtube (supérieure au million d’abonnés) complète ces atouts indéniables. Cette notoriété qui attire l’attention des grands médias lui permet d’ailleurs d’être régulièrement invité sur le plateau du Grand Journal pour présenter ses nouveaux projets. Ce fut le cas en mai 2014, lorsqu’il réalisa le plus beau coup marketing du rap français. Invité par Canal+ pour le lancement de son parfum pendant le Festival de Cannes, l’artiste interpréta son nouveau single « OKLM. » Une version concert qui rendait très alléchant le track en mp3. Sorti dans le même temps sur ITunes, le morceau eut un succès phénoménal, conforté par le clip. Avant d’être le Boss du « rap game » par ses ventes, comme il aime le rappeler à ses concurrents, c’est par sa maîtrise du web et de l’outil médiatique qu’il a su blinder son leadership

Obtenir un Buzz et le garder

Cependant, tout le monde ne peut pas se vanter d’avoir déjà une carrière entre les mains pour répercuter sa notoriété sur le web. Pas de panique, tout reste possible pour les plus déterminés. Le plus bel exemple dans la catégorie « parti de rien » reste Gradur, incontournable désormais dans le paysage du rap français. Le natif de Roubaix, pas vraiment une place forte du Hip-hop hexagonal, a crée un buzz exponentiel avec « les Shegueys ». Cette série de freestyles postés à intervalle régulier sur Youtube, l’a fait discrètement mais sûrement monter en puissance, au moment où les médias nationaux resservaient une énième soupe sur les clashs qui opposaient entre autres La Fouine, Rohff et Booba. Le buzz grandissant de Gradur a été définitivement conforté par les Sheguey 7 « Dani Alves » et 8 « On est pas tout seul » qui ont atteint un public nombreux et hétérogène, fait rare pour un rappeur underground. Ces deux vidéos atteignent aujourd’hui près de 25 millions de vues sur Youtube ! Son buzz en poche, Gradur n’a pas loupé le coche pour le convertir en succès commercial. Après une mixtape gratuite, son album « L’homme au bob » a été certifié disque d’or, 3 jours seulement après sa sortie, une performance exceptionnelle pour un artiste sorti de l’anonymat moins d’un an auparavant et désormais associé à un véritable phénomène de société.

Des Hyperactifs du son

Gradur a fait preuve d’une communication bien ficelée pour maintenir le public en haleine avant la sortie de son album . En balançant sur Youtube des freestyles écrits, enregistrés et clippés en un jour avec peu de moyens, il a su préserver la flamme de son buzz. Le caractère fait maison et authentique de ses clips sans budget, renforce indéniablement sa popularité. Ajoutez à cela un capital sympathie imbattable sur les réseaux sociaux, et l’ensemble maintient une proximité et une transparence solides avec les internautes. Cette technique a d’ailleurs été largement imitée par le célèbre label Def Jam France pour sa nouvelle recrue Dosseh. Ses freestyles « #YuriNegrowski » en attendant sa mix-tape « Perestroïka » présentent les mêmes codes artistiques et musicaux que ceux utilisés par Gradur. « Moralité », pour conserver le buzz que les rappeurs s’arrachent pour vendre, l’hyper productivité musicale n’est plus nécessaire mais simplement incontournable.

Doctor Gras

Crédit : http://sortir.besancon.fr

 

 

Doctor Gras

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