Sea, Handicap and Sun #Episode 3 : Des rires et des ennuis

Un camping accueille pour trois semaines une équipe d’animation et une vingtaine d’adultes en situation de handicap mental. Entre ambiance de folie et galères, le Doctor Bodré vous plonge dans une expérience peu commune sur les plages de la Méditerranée. Il se placera aussi bien dans le regard du vacancier handicapé que dans celui des animateurs. Place au troisième opus !

Dimanche :

Sur l’affaire David et Stéphanie (qui veulent coucher ensemble), Louis joue la montre. Dès le samedi matin, il a contacté les établissements d’accueil des deux vacanciers, et les tuteurs légaux donneront leur avis. Louis sait qu’il y a peu de chance qu’il ait des nouvelles avant lundi. Il explique sa démarche aux deux jeunes gens. Ces derniers sont toujours aussi déçus, mais le bowling du soir leur permettra de penser à autre chose.

Pour se changer les idées, le directeur accompagne un groupe de cinq personnes à la messe. L’idée de rester assis une heure dans une église ne le botte pas plus que ça, mais il appréciera ce moment sans sollicitation, que ce soit celles des vacanciers ou de son équipe. Il devrait être en congé aujourd’hui, mais il préfère étaler son repos sur plusieurs grasses matinées, il n’est pas encore assez à l’aise pour lâcher sa prise sur le groupe.

Roland, lui aime bien se recueillir à l’église. Ça lui rappelle plein de souvenirs, pas forcement bons, mais dans ces lieux il repense à sa grand-mère qu’il aimait beaucoup. Même s’il n’est pas concentré tout le long de l’office, il se laisse bercer par la voix du prêtre et les cantiques. A l’eucharistie, il va faire la queue avec le reste de son groupe pour prendre une hostie. Au moment de la quête, Louis sort de sa banane quelques pièces pour que chacun puisse donner quelque chose. Ce n’est pas énorme, mais le geste est important. L’accompagnateur se demande s’il peut réclamer une facture à la fin de l’office. Intérieurement, il pouffe. Il ajoutera cela à son carnet de compta’ en pensant à la tête que fera la personne qui le vérifiera.

L’office touche à sa fin. Au camping, le repas doit être sur le point d’être servi. L’après-midi sera tranquille, il est prévu de faire le ménage des bungalows à fond et la lessive de tous les draps des vacanciers. C’est Louis qui s’occupera des machines à laver. Comme le sermon du prêtre, la perspective du mouvement hypnotique du tambour d’un lave-linge promet d’être reposante.

Roland et son camarade de chambre sortent les draps devant leur logement et un animateur, José, passe avec une bassine pour les récupérer. Au passage, Roland signale qu’il n’a plus beaucoup de vêtements. Pas de souci, on s’en occupe demain. Les deux hommes ont récupéré un balai et son utilisation n’est pas du luxe. Les deux handicapés ont tendance à grignoter le soir dans la chambre et à accumuler miettes et paquets de chips sous leur lit. Quand José s’en était rendu compte, il avait fait remarquer que manger après s’être brossé les dents n’était pas très malin.

Louis charge dans le coffre du véhicule les caisses de linges, direction le lavomatic. Alors qu’il introduit les pièces pour lancer les trois machines à grosse capacité, il s’aperçoit que comme à la messe, il risque de ne pas avoir de facture à intégrer à sa compta. Pendant que les lave-linge tournent, il réfléchit et se dit que ce serait facile de rajouter le tarif d’un ou deux cycles de sèche-linge dans ses dépenses et de se mettre facilement une vingtaine d’euros dans la poche. Alors qu’un audacieux plan de détournement de fonds se dessine devant lui, il se rappelle que l’argent qu’on lui a confié vient principalement de la somme astronomique payée par les structures d’accueil. D’un coup, le gain dérisoire se teinte de mauvaise conscience. Il devra se contenter de son salaire.

De retour au camping, il arrange la distribution des draps et vérifie avec son équipe si la veillée casino du soir est au point. Elle l’est. La journée a été bonne et Louis a pu malgré tout se reposer.

Mardi :

Ce soir c’est l’anniversaire de Jocelyne avec qui Roland s’entend bien. C’est pour ça que ce matin, il accompagne Louis et Farida faire les courses. Il a discuté avec le directeur la veille et il sait qu’une surprise se prépare. Comme il souhaite participer, Louis lui propose de choisir et d’acheter la carte. Ses conseils sont les bienvenus mais il sera payé avec le budget du séjour. Après un passage à la presse, le groupe se sépare en deux, chacun avec son caddie.  Si Roland est habitué aux regards de travers qu’il croise dans les rayons, notamment ceux des enfants qui le regardent fixement, ce n’est pas le cas de l’animatrice qui finit par s’en prendre vivement à un couple qui s’était permis une réflexion déplacée. Le ton monte vite entre les deux parties, au point qu’un vigile est obligé d’intervenir. L’altercation se terminera sur les paroles de Roland : « C’est pas grave, c’est pas grave ». Même si Farida ne partage pas son avis, elle se sent coupable de l’avoir mis en porte-à-faux. Elle aurait dû garder pour elle sa colère, mais apparemment Roland ne lui en tient pas rigueur. Pour preuve, il ramène dans le chariot cinq à cinq les plaquettes de beurre doux qu’elle lui avait demandées avec un grand sourire.

Avant les courses, Louis a dû passer récupérer la seconde partie de son budget. En soi, l’opération n’est pas bien compliquée. Il suffit de se présenter au guichet avec une pièce d’identité pour recevoir deux cartes de crédit à usage unique, une délivrant la somme de mille euros, l’autre de huit cents. Ce que le jeune homme n’avait pas imaginé, c’est que dans cette petite banque, le seul guichet disponible est à l’extérieur, dans une rue passante. Après avoir introduit la première carte, la machine lui sort une épaisse liasse de billets  qu’il plonge rapidement dans sa banane. Il serait fâcheux de se faire dépouiller à ce stade du séjour.

Farida raconte à Louis l’incident et s’aperçoit que deux caisses plus loin, le fameux couple patiente aussi, lançant furtivement des regards lourds de sous-entendus. Louis les observe un bref instant et discute avec Roland des idées de cadeau pour son amie Jocelyne. Le passage en caisse est long et Louis s’excuse platement juste avant de demander une facture. A l’extérieur, le couple les attend et Farida, selon les directives de Louis, fait de son mieux pour les ignorer. Difficile pourtant de ne pas entendre les remarques beaufs liées à ses origines et au handicap des deux vacanciers qui les accompagnent. Arrivé au minibus, Louis est mal à l’aise et s’absente quelques instants. Il a repéré un peu plus loin le couple en train de charger leur véhicule. Il se poste à côté d’eux, sort son carnet et note le numéro de leur plaque d’immatriculation. Au moment où l’homme, manifestement pas très content de sa présence, s’approche de lui, Louis compose un numéro sur son téléphone et lui demande son nom. Une information qui intéressera sûrement l’agent qu’il va avoir au bout du fil : « Non ? Vous ne voulez pas ? Bon le numéro de plaque suffira« . Louis sait très bien qu’il n’ira pas plus loin que le simple signalement. Mais voir le couple partir penaud est une petite revanche très appréciable pour Roland et Farida.

Ce que Louis craignait depuis trois jours a fini par arriver. Les tuteurs de Stéphanie et David ont fini par le joindre. Chacun d’eux a pris le temps de discuter en individuel avec les intéressés, et la conclusion des deux parties est la même : ils sont tous les deux majeurs, c’est à eux de décider. Louis, qui avait espéré un véto est déçu. Il s’organise avec Julie pour avoir un entretien avec les deux tourtereaux, histoire de faire un point sur les MST et la contraception (tout ce qui peut rendre le sujet rébarbatif). Le directeur compte sur son va-tout : tous les bungalows sont complets et doivent rester non-mixtes. La  seule solution viable est la tente deux places qu’il avait apportée au cas où il y aurait besoin d’un veilleur de nuit. C’est inconfortable car il s’agit surtout du seul emplacement possible au milieu des bungalows, ce qui n’est pas une garantie d’intimité. Les deux jeunes gens promettent d’y réfléchir, mais le regard pétillant de David est de retour, Louis sent bien que son stratagème prend l’eau.

Dans le bungalow de Roland, les quatre vacanciers qui le partagent sont rassemblés avec Louis et l’animateur référent, José. L’espace de rangement pour les courses étant limité, l’équipe a dû répartir sur tous les bungalows les stocks de frais et de sec, les produits d’entretien étant rassemblés dans celui de l’équipe. Celui des quatre hommes est dévolu au petit déjeuner et au goûter. Juste avant les courses, Louis était passé faire un inventaire pour le réapprovisionnement et s’était rendu compte de quelques irrégularités. En effet le stock de confiture diminue un peu trop vite, deux bouteilles de sirop ainsi qu’un kilo de sucre en morceaux ont disparu sans laisser de traces. L’un des quatre colocataires, Jean-Marc, a un souci avec le sensation de satiété. Pour les repas, celui-ci suit un régime hypocalorique. Cependant l’info sur sa tendance « boulimique » avait échappé à Julie.

Après une dizaine de minutes de discussion, Jean-Marc se dénonce et les trois autres hommes peuvent retourner vaquer à leurs occupations. Si Louis l’interroge, ce n’est pas pour le confondre mais pour savoir s’il a déjà tout mangé et surtout, en combien de temps. Jean-Marc explique qu’il a bu les bouteilles de sirop cul-sec deux jours plus tôt et que le paquet de sucre en morceaux lui a servi d’encas le matin. Dans le doute, Louis appelle le SAMU ne sachant pas quels sont les risques encourus par l’absorption d’une telle quantité de sucre. Le médecin au bout de la ligne n’a pas l’air de s’inquiéter. Selon lui, étant donné qu’il n’y a pas de symptôme d’hyperglycémie, il n’est pas nécessaire de l’emmener à l’hôpital. Cependant, il faudra garder un œil sur lui les prochains jours et prendre des mesures pour qu’il ne recommence pas. Louis installe un cadenas de vélo sur les placards du mobile home. Il a pu également joindre le directeur de la structure qui accueille Jean-Marc afin de connaître la marche à suivre pour gérer les excès d’appétit du vacancier.

Tout au long de l’après-midi, Roland et quelques autres vacanciers ont profité que Jocelyne soit partie en ville pour préparer sa soirée d’anniversaire. Banderoles, ballons, buffet pour l’apéritif et bien évidemment deux énormes gâteaux au chocolat. L’invitée d’honneur n’allant plus tarder, Roland fait le tour de l’équipe et des vacanciers présents pour faire signer la carte. Après le repas aura lieu une soirée « tous au théâtre ». Jocelyne en fait toute l’année dans son foyer et a envie de partager sa passion avec tout le monde. Elle pourra enfin conter le texte de Marcel Pagnol dont elle parle depuis le début du séjour. Roland, lui, trépigne d’impatience.

Doctor Bodré

Crédit de une : recettessimples

Sur le même thème : Episode 1Episode 2Episode 4

 

Doctor Bodre

Animateur auprès de personnes handicapées, je vous fait partager nos aventures hautes en couleur !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.